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EXCLUSIF

L'Etat MACRON s'acharne contre un fils de Harki qui demande à être indemnisé de tous ses préjudices

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Un de nos compatriotes, Mustapha LABIDI, a légitimement engagé un recours contentieux en indemnisation contre l’Etat afin que les préjudices subis par lui-même et son défunt père, soient reconnus et réparés.

 

La requête présentée au Tribunal administratif a été rejetée, et la Cour Administrative d’Appel vient de confirmer le rejet de la requête.

Par respect et par pudeur vis-à-vis de notre compatriote, le Conseil des Harkis du Var ne retranscrira pas les éléments intimes de l’histoire dramatique de Mustapha LABIDI et sa famille. Il en va de même de l’expression de sa douleur. Nous relayerons simplement les éléments saillants de l’affaire et de ses déclarations.  

Interview

Le Conseil des Harkis du Var a recueilli la réaction de Mustapha LABIDI suite à la décision de la Cour Administrative d’Appel.

 

Le Conseil des Harkis du Var (CHV) : Vous avez fait un recours en indemnisation concernant les préjudices subis par vous et votre défunt père, avant et après le rapatriement en métropole. Qu’attendiez-vous de ce recours contentieux ?

 

Mustapha LABIDI : Pour tout vous dire, j’ai entrepris cette procédure dans l’espoir qu’il y ait une médiation que je sois reçu par les services de l’ONAC afin qu’ils fassent le nécessaire et trouvent une solution durable à ma situation actuelle. A défaut, j’attendais une indemnisation en réparation des préjudices que mon père a subis, et de ceux que j’ai subis et subis encore aujourd’hui… Mon père a en effet vécu des exactions traumatisantes en Algérie, il a servi la France avec bravoure et a été décoré. Pour autant, le traumatisme et les conditions de vies subis en Métropole ont eu de lourdes conséquences et se sont soldés par un drame familial me conduisant à devenir orphelin à l’âge de 6 ans et demi.

 

Ce parcours dramatique a eu de lourdes conséquences sur le plan moral, mais aussi sur le plan humain et social avec une scolarité chaotique et une perte de chance incontestable.

Ma vie professionnelle est tout autant chaotique, et les multiples démarches effectuées pour bénéficier des prétendus dispositifs de l’Etat ont toutes été un échec. Par exemple, mes demandes successives pour les emplois de la SNCF n’ont pas abouti, aucun des emplois réservés ne m’a pas été attribué… A chaque fois que l’Etat annonçait un plan d’aide ou d’insertion, il s’arrange pour que l’on passe entre les mailles du filet.

Il n’y a en réalité que des effets d’annonce, des lois en faveur de la communauté Harkie notamment de la 2ème génération, mais on ne bénéficie de rien.

Je ne suis jamais parvenu à faire aboutir ma demande d’allocations « orphelin », au prétexte qu’il y aurait forclusion. L’Etat s’arrange toujours pour instaurer des cas d’exclusions ou de forclusion alors que nous faisons que réclamer nos droits depuis 1968.

Il ne fait aucun doute qu’au vu du cheminement imposé par l’Etat, notamment le fait d’avoir été parqué dans des camps, de ne pas avoir droit à une vie normale, d’avoir vécu des drames familiaux et se retrouver orphelin à 6 ans et demi… devrait aboutir à une indemnisation du préjudice moral même si d’un point de vue moral, il n’y aura jamais de réelle réparation.

 

 

Le CHV : La Cour administrative d’appel a confirmé la décision du Tribunal administratif et a rejeté votre demande d’indemnisation. Quel sentiment vous inspire cette décision ?

 

Mustapha LABIDI : Un sentiment de ne pas avoir été entendu ni même écouté. Je ressens surtout un sentiment d’injustice du fait du contenu de mon dossier. Tous les arguments avancés sont étayés de preuves incontestables de mon parcours dramatique, notamment des éléments d’archives de l’Aide sociale à l’enfance, de mon parcours scolaire, de mon parcours professionnel chaotique qui démontrent que rien n’a été fait depuis l’âge de 16 ans jusqu’à aujourd’hui… Tout cela été occulté par l’Etat. Je suis d’ailleurs actuellement sans emploi, et toutes les souffrances endurées m’ont atteint psychologiquement et même physiquement…

 

 

Le CHV : Que pensez-vous des arguments invoqués par l’Etat en réponse à vos demandes ?

 

Mustapha LABIDI : Le principal argument est la prescription quadriennale. Le fait d’opposer un tel argument démontre que l’Etat est dans le déni total. L’Etat n’a pas le courage d’affronter la réalité, et se cache comme il l’a toujours fait derrière des prétextes. Il profite de certaines lois pour s’engouffrer dans une faille juridique et nous laisser dans cette situation perpétuelle de souffrance.

 

Le CHV : Etes-vous surpris d’une telle position de l’Etat ?

 

Mustapha LABIDI : Non, non. Je ne suis absolument pas surpris, vu comment l’Etat nous a toujours traités. Il ne fait que continuer à dénier nos souffrances pour échapper à ses responsabilités. Il balaye d’un revers de main tous les arguments pourtant incontestables que l’on peut opposer.  Pendant plusieurs décennies, l’Etat nous a opposé les contraintes financières pour refuser de nous indemniser, alors que la situation sanitaire d’aujourd’hui démontre que l’Etat est capable de mobiliser des ressources financières dans des volumes très très importants quand la volonté est là.

 

Le CHV : Au vu de ces décisions décevantes, est-ce que le combat continue ? Comptez-vous vous pourvoir en Conseil d’Etat ?

 

Mustapha LABIDI : Oui, le combat continue. J’envisage de faire un pourvoi au Conseil d’Etat. J’espère en effet, au vu des décisions déjà rendues pour des demandes similaires, que le Conseil d’Etat entendra mes arguments. Ce n’est pas une question financière, car il est évident que si je venais à obtenir réparation, les décisions du même type ont fixé l’indemnisation à 15.000 €, ce qui est loin des près de 100.000€ que je demande. J’irai jusqu’au bout car c’est une question de principe et surtout une question de justice.

L’EDITO du CHV_________________________

 

 

Le Conseil des Harkis du Var souhaite faire un focus sur la posture du représentant de l’Etat dans cette affaire, à l’appui des documents de procédure que Mustafa LABIDI a tenu à soumettre à notre analyse.

 

 

L’élément phare de cette procédure est l’argument de la « prescription quadriennale » brandi et défendu avec frénésie par l’Etat.

 

REPERE

 

Mise en place par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances [dans notre affaire : l’indemnisation] sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics, la prescription quadriennale, c’est-à-dire de quatre ans, fixe un délai pour lequel tout justiciable est en droit de réclamer à une personne publique [dans notre affaire : l’Etat] les sommes d’argent que cette dernière lui doit.

 

Théoriquement, une fois ce laps de temps de quatre années écoulé, l’administré ne peut plus prétendre obtenir de la part de l’administration le paiement de ses créances. Il existe cependant des conditions dans lesquelles la prescription ne s’applique pas, notamment pour cause de force majeure, ou lorsque le demandeur peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement.

ANALYSE

 

  • D’un point de vue purement juridique

 

Dans des situations comme celle de notre compatriote, il faut défendre le fait que la prescription ne peut s’appliquer. Tout l’enjeu est donc de mettre en exergue qu’à l’époque, les Harkis ne pouvaient manifestement pas avoir connaissance de la créance détenue contre l’Etat, c’est-à-dire de leur droit à indemnisation en raison de la responsabilité de l’Etat dans les conditions de vie imposées aux familles de Harkis, et les conséquences morales, économiques et sociales qui en ont découlé.

Il ne fait aucun doute qu’au regard des conditions dans lesquelles ils vivaient, qui peut raisonnablement penser qu’un Harki était en mesure de faire valoir ce droit à indemnisation ? Sans oublier que lorsque certains « osaient » exprimer leur désaccord face aux injustices quotidiennes qu’ils subissaient, ils étaient immédiatement internés au motif allégué qu’ils ne seraient plus en possession de leurs moyens…

Difficile dans ces conditions, d’imaginer un de nos pères – indépendamment de l’illettrisme qui les frappait dans leur grande majorité – réclamer, ni même oser penser réclamer, une indemnisation pour quelque motif que ce soit.

 

Ainsi, il est clair que les Harkis n’avaient manifestement pas connaissance de ce droit à indemnisation, et donc de la créance contre l’Etat. Dès lors, il y aurait lieu de considérer que la prescription ne s’applique pas.

 

Pour autant, l’Etat a complètement occulté ces éléments, et a tout mis en œuvre pour faire échec au recours de Mustapha LABIDI sous ce motif…

 

  • D’un point de vue moral

 

Il est consternant de voir dans les écritures du représentant de l’Etat produites en défense, le niveau d’acharnement argumentatif pour parvenir à obtenir l’applicabilité de la prescription quadriennale. L’Etat a fait preuve du mépris le plus total vis-à-vis de la réalité dramatique subie par la communauté Harkie.

 

Devant l’argumentation solide présentée par l’avocat de Mustapha LABIDI, démontrant que la prescription quadriennale ne devrait pas s’appliquer, il est facilement perceptible des écritures du représentant de l’Etat que celui-ci a usé de toutes les ressources pour faire rejeter cet argument. Nouvelle loi, loi ancienne, calculs de délais dignes d’un apothicaire…tout a été fait pour conclure à la prescription de la créance.

 

Outre l’argumentation juridique, la froideur administrative manifestée dans ses écritures a conduit le représentant de l’Etat à considérer qu’un homme (le défunt M. LABIDI père) qui a subi les pires exactions en Algérie, et le drame humain vécu dans les camps devait être en capacité d’engager un recours dans les quatre ans suivants son installation dans le camp !!! Que son fils, Mustapha LABIBI, alors âgé de moins d’un an, devait tout autant engager une telle procédure !!! Ubuesque !!

 

Comble de l’inadmissible, l’Etat ose évoquer l’aumône de quelques francs octroyés à M. LABIDI pour nourrir sa famille !! Lorsque l’on sait de surcroît que les aides versées aux familles résidant dans les camps étaient majoritairement détournées et prétendument affectées aux frais de fonctionnement des camps. Ce sujet avait d’ailleurs fait l’objet de nombreuses réactions.

 

S’agissant des exactions commises en Algérie, l’Etat occulte complètement cette réalité historique, et ose balayer cet état de fait en considérant qu’il relève de « la conduite des relations entre la France et l’Algérie ». Dont acte.

  • Recours en indemnisation : Le double discours de l’Etat MACRON

 

Les arguments invoqués par le représentant de l’Etat dans l’affaire de notre compatriote sont particulièrement révélateurs du double discours de l’Etat français à l’égard de notre communauté.

 

Ils démontrent à nouveau le décalage significatif et irréfutable entre les discours et les actes.

 

Vous avez pu lire notamment dans nos publications, le descriptif des actions démagogiques initiées par le Président Macron tendant à faire croire qu’il serait sensible aux souffrances endurées par la communauté Harkie.

 

Sur les conseils de ses consultants en communication, il commande rapport sur rapport, en créant notamment un groupe de travail dont les conclusions étaient écrites d’avance et sans suite probante, ou en confiant le soin à un historien de réécrire l’histoire Franco-Algérienne en reléguant l’histoire et le sort des Harkis à un niveau insignifiant voire au négationnisme.

 

Que dire des propositions de loi d’indemnisation qui depuis 2015 n’ont toujours pas abouti à une promulgation… Cette position dilatoire de la majorité parlementaire n’est que le reflet de l’absence de toute volonté réelle et affirmée d’aller au-delà des discours et de les traduire en actes.

 

Les effets d’affichage ne trompent personne, car ils ne se traduisent par aucun acte significatif et concret pour notre communauté. Et pour cause, il n’y a, en réalité, aucune volonté du Gouvernement actuel de parvenir à une réelle réparation des préjudices subis par les familles de Harkis. Cela n’a échappé à personne, et la position de l’Etat dans le cadre de la procédure initiée par notre compatriote Mustapha LABIDI, le confirme, à nouveau.

 

Il eut été plus honorable et respectueux de notre communauté que l’Etat ne rétorque pas, de surcroît par de tels arguments fallacieux et insultants à l’égard de tous les membres de notre communauté qui ont subi le même sort.

 

Nous trouvons déplorable que l’Etat démontre un tel acharnement à l’égard de notre compatriote au seul motif de lui refuser une indemnisation qui lui permettrait de rebondir dans une vie jusque-là marquée d’embuches notamment professionnelles. Et ce, alors même qu’une indemnisation ne saurait suffire à réparer le drame humain qui s’est noué dans la famille LABIDI.

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