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AVIS DE RECHERCHE :
Macron aurait retrouvé
les Harkis après 4 ans...

Interview

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Le Conseil des Harkis du Var (CHV) : M. REMADNA, vous êtes un fervent défenseur des droits des Harkis, et êtes doté d’une expérience certaine dans ce domaine. Nous sommes donc très heureux de recueillir à nouveau votre point de vue sur les dernières actualités qui touchent notre communauté.

 

Vous avez, comme de nombreux internautes, pris connaissance de l’interview de notre compatriote Mustapha LABIDI concernant son recours en indemnisation. Un nombre important de témoignages et de réactions nous sont parvenus, en particulier en ce qui concerne la position inhumaine de l’Etat (à travers le Ministère des Armées) à l’égard de M. LABIDI. Quel sentiment vous inspire cette situation ?

 

Mostefa REMADNA : Sincèrement je suis surpris et choqué. Surpris, dans la mesure où de nombreux enfants de Harkis sont courageux et engagent des procédures à leur frais, ils parlent des souffrances qu’ils ont subies depuis leur enfance, certains ont vécu de véritables drames humains qui devraient forcément amener les juridictions à reconnaître leurs souffrances par la voie de l’indemnisation. Choqué, car je trouve injuste et inhumaine cette position de l’Etat qui oppose la prescription, d’autant plus qu’il y avait deux jurisprudences auxquelles on pouvait se référer. Vu la situation de mon compatriote, c’est une injustice de plus qui lui est faite, une nouvelle injustice qui nous est faite. Il y a plusieurs de nos compatriotes qui ont dû faire face à cet argument de la prescription dicté par le Gouvernement qui nous empêche d’obtenir nos droits, alors que la prescription ne doit pas s’appliquer, la situation de la communauté est et demeure d’actualité, les séquelles sont, elles, bien présentes, elles ne sont pas prescrites. Je suis attristé par ces décisions, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut se relâcher, il faut continuer à se battre, il faut être solidaire. Nos parents étaient illettrés, ils ne connaissaient pas leurs droits ni comment les réclamer. Aujourd’hui la deuxième génération, malgré les difficultés, n’est pas confrontée à la barrière de l’illettrisme, et sait s’entourer notamment des avocats pour défendre ses droits. 

Et puis, ce qui est des plus choquant, est le fait que le Gouvernement MACRON oppose aujourd’hui la prescription, alors qu’avant les élections présidentielles, Emmanuel MACRON avait promis de régler le problème des Harkis, et rien n’a été fait, à part des mesures d’affichage sans aucun intérêt. Ce que l’on demande, c’est du respect et de la reconnaissance, et d’avoir un vrai emploi et de pouvoir travailler, et non de l’assistanat.

 

Le CHV : D’après les renseignements qui nous parviennent, il semblerait qu’un groupe de personnes issues de la communauté Harkie aurait été reçu par le Président de la République. Il semblerait également que l’objectif affiché de cette audience serait de promouvoir une loi en faveur des Harkis ? Que pensez-vous de cette démarche ? Tant sur le forme que sur le fond ?

 

Mostefa REMADNA : Personnellement, j’estime que cette démarche est douteuse.

Pour répondre, je commencerai d’abord sur le fond. Je pense qu’avant de présenter un projet « au nom des Harkis », il aurait fallu tout d’abord que la communauté Harkie dans sa majorité, les désigne comme représentants et porteurs de ses souhaits et revendications. D’autre part, il était primordial que les Harkis soient associés au contenu de ce projet présenté au Président MACRON « pour les Harkis ». Ce projet aurait en effet dû être co-construit et non pas le fruit de quelques-uns qui affirment de ce qu’il conviendrait de décider pour les Harkis. Mais j’ai de sérieux doutes sur la sincérité de ce projet, ce qui m’amène à la forme de la démarche.

 

Sur la forme, il suffit de voir dans quelles conditions et à quelle période du calendrier électoral intervient cette rencontre. On connaît bien les manœuvres politiques à la veille d’une échéance électorale, et cette pratique perpétuelle qui consiste à utiliser le suffrage de la communauté Harkie en s’affichant avec elle ou en lui faisant de belles promesses.  C’est pourquoi je pense que dans cette démarche, les concernés – inconsciemment ou non – entrent dans un jeu politique qui n’augure rien de positif pour notre communauté. Plus encore, cela ressemble fortement à une démarche dans un intérêt individuel et non collectif.

 

 

Le CHV : Alors selon vous, une rencontre avec le Président dans le contexte électoral que nous connaissons, ne semble pas vraiment opportune dans l’intérêt de la communauté ?

 

Mostefa REMADNA : Absolument pas. La communauté Harkie est malheureusement manipulée à tous les points de vue, et en particulier, du point de vue politique surtout depuis quatre ans. Nous avons entendu et lu les promesses d’Emmanuel MACRON à la veille des élections présidentielles de 2017. Il s’apprête à s’engager dans une nouvelle bataille électorale pour 2022, et quelques Harkis lui donnent les moyens de renouveler sa manipulation politique. Pourquoi aurait-il organisé cette rencontre à présent, alors qu’il est resté sourd à nos revendications et nos appels à respecter ses promesses durant ces quatre années ?

 

Le CHV : Les protagonistes prétendent vouloir obtenir le vote d’une loi alors même qu’une proposition de loi d’indemnisation des Harkis pour laquelle nous avons œuvré avec des parlementaires varois en 2015*, prend la poussière sur un coin de bureau (proposition renvoyée depuis à la commission de la défense nationale et des forces armées). Les parlementaires de la majorité présidentielle, notamment du Var sollicités par le CHV après le renouvellement de l’Assemblée nationale, ne se sont d’ailleurs jamais saisis de ce texte existant. Que vous inspire cette contradiction ?

 

Mostefa REMADNA : C’est la meilleure preuve du fait que le Gouvernement n’est disposé à rien faire. Depuis 2015 cette proposition de loi est en souffrance, complètement écartée par la majorité parlementaire. Elle pourrait être réactivée, mais on peut comprendre que cette proposition de loi qui propose un niveau d’indemnisation pourtant raisonnable pour les finances publiques, soit gênante pour le Gouvernement qui préfère se limiter aux promesses ravivées à chaque échéance électorale, jusqu’à parvenir à l’épuisement de notre combat et à l’extinction des Harkis de la première génération. Tout nouveau projet visant à faire aboutir une loi est évidemment inutile quand la volonté de l’Etat est qu’aucun n’aboutisse.

 

 

Le CHV : Alors vous pensez que ce groupe qui a rencontré le Président de la République ignorait qu’il y avait cette proposition de loi qui existait ?

 

Mostefa REMADNA : Non, non, je pense qu’ils le savaient, comme une grande partie de la communauté Harkie d’ailleurs. Mais comme je l’ai déjà dit, à mon sens, il s’agissait en réalité d’une démarche personnelle qui s’inscrit dans un calendrier électoral. La vérité jaillira un jour…pas si lointain, mais j’espère me tromper.

 

D’ailleurs, dans l’hypothèse où ces personnes auraient réellement rencontré le Président de la République, je leur transmets ce message : je leur demande de bien vouloir continuer le travail que nous avions effectué concernant la loi de 2015, et de proposer au Président MACRON de reprendre la procédure législative déjà engagée, voire de l’amender pour l’améliorer. Dans la mesure où un important travail a déjà été effectué, cette loi pourrait voir le jour en trois ou quatre mois. L’Assemblée nationale étant majoritairement constituée du parti présidentiel, elle aura aucune difficulté à aboutir.

 

 

Le CHV : A vous entendre, vous n’accordez aucun crédit au positionnement du Président de la République et les élus de sa majorité à l’égard des Harkis ?

 

Mostefa REMADNA : Je pense que l’on ne peut pas vivre éternellement avec des promesses, sans que rien n’aboutisse. Il subsiste une tache indélébile sur l’attitude de l’Etat Français, et au vu des effets d’annonce et d’affichage, je n’ai aucune confiance. Plus de quatre ans se sont écoulés depuis les promesses d’Emmanuel MACRON, et qu’a-t-il fait pour les membres de la communauté Harkie, à part distribuer des médailles pour faire taire quelques-uns ou diviser la communauté ? A part créer des groupes de travail inutiles où les membres sont triés sur le volet puis ensuite muselés pour que n’émerge aucune revendication ? A part un rapport Stora qui est à nouveau une insulte pour notre communauté ? Et quoi de concret pour réparer les préjudices subis par notre communauté ? Rien. Et quand certains d’entre nous ont le courage et la force de saisir les tribunaux, l’Etat manœuvré par Emmanuel MACRON fait tout pour faire échouer les procédures d’indemnisation. C’est scandaleux !

 

Le CHV : Dans ce sens, que vous inspirent les propos d’Emmanuel Macron qui a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » ?

 

Mostefa REMADNA : Ces propos sont inqualifiables et déshonorants. Ils reflètent bien l’état d’esprit du Président MACRON qui prend toujours position pour la version algérienne de l’histoire et humilie les Harkis. Le rapport STORA le confirme d’ailleurs.

Le véritable crime contre l’humanité est celui à l’égard de notre communauté qui a été massacrée par milliers et dont les quelques rescapés n’ont dû leur salut qu’à quelques officiers honorables qui ont désobéi aux ordres et refusé d’abandonner leurs frères d’armes à l’horreur humaine qui s’est nouée.

Le crime contre l’humanité c’est ce crime moral de l’Etat MACRON qui nous abreuve de promesses de reconnaissance et de réparation, et qui, quand il s’agit de concrétiser ses promesses, fait volte-face, et ne se manifeste à nouveau qu’à l’approche d’une échéance électorale.

 

Le CHV : Comment pensez-vous que l’on puisse exprimer notre mécontentement face à cette situation et cette actualité défavorable aux Harkis ? Quels moyens avons-nous ?

 

Mostefa REMADNA : Il n’est plus nécessaire de parler, le Président MACRON, son Gouvernement, ses parlementaires… connaissent parfaitement notre histoire et nos souffrances. Nous ne devons plus chercher à convaincre mais nous devons agir avec les moyens dont nous disposons. Aujourd’hui ce moyen c’est la carte électorale, il faut s’en servir, c’est notre arme contre ceux qui ne respectent pas leurs promesses. L’usage du bulletin de vote est primordial pour nous redonner une part de justice. C’est la seule solution pour la communauté Harkie.

J’appelle donc tous les membres de la communauté Harkie, les sympathisants, nos compatriotes et frères pieds-noirs à se mobiliser pour faire barrage à la politique Macron notamment lors des élections régionales et départementales. Bien évidemment, je ne suis, nous ne sommes aucunement là pour dicter à nos compatriotes pour qui s’exprimer, chacun est propriétaire de sa voix, mais au vu de ce que nous subissons, nous vous demandons tout simplement de faire barrage à la politique Macron.

 

 

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* Proposition de loi N°2630 du 11 mars 2015

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